LE REFUGE INTERIEUR
L'HOTEL EXISTENCE
Je n'étais qu'un petit garçon à cette époque, et la guerre était partout.......
Alors j'imagine un "Hotel Existence" , je le transforme aussitôt en refuge pour enfants perdus. Je parle d'enfanrs européens bien sûr. Leurs pères avaient été tués au combat, leurs mères gisaient sous des ruines d'églises et d'immeubles écroulés, et eux, ils erraient au milieu des décombres de villes bombardées, au plus froid de l'hiver, ils cherchaient à manger parmi les détritus ou dans des forêts, des enfants seuls, des enfants par paires, des enfants en bandes de quatre, six ou dix, avec les pieds enveloppés de chiffons en guise de chaussures, des visages hâves éclaboussés de boue.
Ils vivaient dans un monde sans adultes et moi, personnage intrépide et plus ou moins altruiste, je m'étais sacré leur sauveur. Telle était ma mission, mon but dans la vie, et chaque jour jusqu'à la fin de la guerre je me faisais parachuter dans l'un ou l'autre coin de l'Europe pour secourir des garçons et des filles affamés. Je franchissais des coteaux en flamme, je traversais à la nage des lacs en train d'exploser, je me frayais un chemin à la mitraillette dans des caves à vin humides et chaque fois que je découvrais un orphelin, je le prenais par la main pour l'amener à l'Hotel Existence. Peu importait dans quel pays je me trouvais....l'hotel n'était jamais loin, et je réussissais toujours à y amener le gosse avant la tombée du jour....Mon boulot était seulement de trouver des gosses et de les conduire là.
De toute façon les héros ne se reposent pas.
PAUL AUSTER
Brooklyn Follies (dernier roman-2005)-extrait
Acte Sud
J'aime beaucoup cet auteur américain. Mon livre préféré est la Trilogie New-Yorkaise.